Un trésor à partager avec les enfants

PAR MARION HEYL, secrétaire nationale chargée de la catéchèse à l’EPUdF

La Bible est un ouvrage magnifique, parfois  complexe, au travers duquel Dieu s’adresse à chacun d’entre nous. Les enfants ne font pas exception. Néanmoins, nous ne savons pas toujours comment partager ce trésor avec eux. À l’occasion de la publication de La Bible à lire en famille, voici quelques réflexions sur ce sujet. 

« S’il te plaît maman, je voudrais encore l’histoire de Daniel dans la fosse aux lions ! ».

Mon fils de 4 ans n’en démord pas, c’est sa préférée. J’ai beau lui proposer d’autres livres, un peu lassée de lire toujours le même, mes arguments ne viennent pas au bout de sa détermination et voilà que nous replongeons dans la fosse avec Furax, Férox et Vorax¹. Je souris en me rappelant qu’à son âge ou à peine plus grande c’est avec Noé que je pouvais passer des heures.

Des histoires riches

Les enfants aiment les histoires. Ils ne se lassent pas d’entendre des dizaines de fois le même récit et à chaque lecture quelque chose de nouveau se joue pour eux : ils renforcent leur vocabulaire, interrogent les intonations de la voix, tissent des liens entre les pages ou avec d’autres histoires entendues, développent leur imaginaire. Et surtout, ils y entendent parler de leur vie : leurs peurs, leurs inquiétudes, leurs questionnements,  leurs joies, leurs incompréhensions... tous ces aspects sont soudain partagés avec les héros et les héroïnes de  leurs livres préférés et ils n’ont plus à les porter seuls. Les personnages de la Bible sont en ce sens particulièrement riches. Ils ne sont pas lissés, comme c’est parfois le cas dans les livres pour enfants, mais en eux se retrouve toute la palette de ce qui fait notre humanité : ils sont parfois bons, parfois méchants ; ils connaissent de grandes joies mais aussi de nombreuses souffrances ; ils vivent et ils meurent ; ils tissent des liens de confiance mais ne sont pas étrangers aux mensonges, à la ruse, à la vengeance ; ils sont forts et faibles à la fois, comme chacune et chacun de nous. Tels qu’ils sont, Dieu les aime et les choisit, les accompagne et les guide, leur propose un chemin mais ne les abandonne jamais dans leurs errements.

Un Dieu qui se révèle

Je ne suis pas sûre que mon fils fasse une différence entre les livres bibliques qu’il attrape sur sa bibliothèque et tous les autres ouvrages : ils ne sont pas mis à part, ils ne sont pas particulièrement reconnaissables, ils voyagent de pièce en pièce au gré de ses envies, ils sont parfois délaissés plusieurs semaines avant qu’il n’y  revienne. Noé, Jonas et Jésus côtoient ainsi Petit Ours Brun, Samsam, Pop et tous leurs amis. Pourtant, je me réjouis de le voir se rendre compte petit à petit que les histoires de Daniel, d’Adam et Ève, d’Abraham et de Jésus appartiennent à une même bibliothèque ; de l’entendre faire le lien entre ces contes bibliques illustrés et la Bible  que nous ouvrons au culte dominical ; d’entrer avec lui dans les questionnements soulevés ; et j’ai confiance dans le fait qu’un jour il saura qu’à travers ces histoires, c’est Dieu lui-même qui s’adresse à lui et que lui aussi fait partie du récit.

À mon sens,
les plus jeunes enfants n’ont
même pas besoin de lire la Bible

Des récits bibliques à raconter 

Les enfants n’ont pas besoin qu’on leur explique la Bible. Le temps viendra peut-être où ils seront curieux de ce qui a conduit à la rédaction de ces textes ; où ils s’intéresseront à la chronologie de l’histoire du peuple de Dieu, à la vie de Jésus et à la naissance de l’Église ; où ils apprendront en chantant l’ordre des livres bibliques. À mon sens, les plus jeunes enfants n’ont même pas besoin de lire la Bible : profitons de leur goût pour les histoires pour la leur raconter ! En famille comme dans le cadre des activités catéchétiques, les outils de narration biblique et les bibles pour enfants sont ainsi d’une grande richesse : narrations en cercle, kamishibais, planche à raconter, marionnettes... donnent vie aux récits pour celles et ceux, adultes comme enfants, qui les entendent. Ces techniques favorisent aussi la concentration et offrent des points de repère visuels aux enfants, auxquels ils peuvent facilement se raccrocher pour se souvenir des histoires entendues ou les raconter à leur tour. 

Donner goût à la lecture de la Bible

Ce dont les enfants ont besoin selon moi, c’est que nous leur fassions sentir que ces histoires comptent pour nous, qu’elles nous parlent et nous nourrissent. Il nous appartient de leur faire découvrir que nous aimons les lire et y revenir ; qu’à l’inverse de la plupart de nos autres lectures la Bible n’est pas un livre que nous fermons et rangeons une fois sa lecture achevée. Mais la Bible est toujours là pour que nous puissions y revenir, encore et encore. En ce sens, la famille est un lieu privilégié pour permettre aux enfants de prendre goût à la lecture de la Bible. Dans un récent article publié par le journal Réforme², le sociologue Jean-Paul Willaime rappelle que « la famille est le vecteur principal de la transmission religieuse. Interviennent ensuite le rôle des pairs, soit les jeunes entre eux, puis les réseaux sociaux et la sociabilisation au sein des institutions, notamment les mouvements de jeunesse confessionnels ».

Un exemple à montrer 

La Bible n’a pas vocation à trôner sur une étagère ou à être mise sous verre pour éviter qu’elle ne prenne la poussière ! On peut manipuler une Bible, l’emmener partout, la lire et s’arrêter de  la lire, retourner toujours à la même histoire ; on peut la colorier, la décorer, y prendre des notes et y apposer des post-it ; on peut « habiter » et habiller une Bible à sa manière ; on peut jouer avec la Bible, on peut la prêter et la redemander. Comment les enfants, qui apprennent par imitation, en feraient-ils l’expérience s’ils ne voient pas les adultes qui les entourent en faire autant ?

La Bible n’a pas vocation
 à être le trésor des seuls adultes.

La Bible n’a pas vocation à être le trésor des seuls adultes et en famille nous pouvons partager ce trésor avec nos enfants. De nombreux supports existent et peuvent encourager ces temps. La Bible à lire en famille³ , récemment parue aux éditions Bibli’O, en est un.

¹ Béatrice Aubert, Sébastien Chebret, Furax, le lion de Daniel, Éditions CRER Bayard (La parole aux animaux), 2015.

² Laure Salomon, « La transmission religieuse, une affaire de famille », in Réforme, n°4011, 23 septembre 2023

³ La Bible à lire en famille, Bibli’O, 2023.