29/10/2025
Le renouveau des versions protestantes
En 1822, une première révision de la Bible d’Ostervald a été réalisée à Lausanne, suivie en 1824 par une autre entreprise de la Société Biblique de Paris. ...
Article écrit le 29/10/2025
René Benoist, né en 1521 à Angers, entre dans l’histoire comme un érudit audacieux, un théologien engagé, mais aussi comme une figure controversée de son époque. Ses choix de vie révèlent un caractère entier, prêt à affronter les tempêtes pour défendre ses idées.
Après des études brillantes à l’Université de Paris, où il obtient son doctorat en théologie en 1554, Benoist s’engage dans une carrière ecclésiastique qui le propulse rapidement sur le devant de la scène intellectuelle et religieuse. Conseiller d’Henri II et de Catherine de Médicis, il devient un acteur central des débats théologiques du 16ᵉ siècle, notamment lors des guerres de Religion.
Sur le plan intellectuel, Benoist se positionne comme un défenseur acharné du catholicisme contre la Réforme, mais ses écrits révèlent une approche parfois ambivalente. Dans son célèbre « Apologie contre les calomnies des hérétiques » (1575), il adopte un ton virulent, attaquant les protestants avec une rhétorique brillante mais agressive, ce qui lui vaut des critiques pour son manque de modération. En parallèle, ses « Discours sur la vraie foi catholique » tentent de démontrer la continuité du catholicisme avec les Écritures, un effort louable mais parfois jugé trop académique pour être accessible au grand public. Ses œuvres témoignent d’une volonté de structurer une défense solide de la foi catholique, mais elles restent trop ancrées dans les controverses de son époque pour avoir une résonance durable et universelle.
Dans ce contexte tumultueux du milieu du 16ᵉ siècle, les Bibles en français (ou du moins des extraits) circulent parmi le peuple depuis plusieurs décennies, malgré les interdictions officielles. Curé de la paroisse Saint Eustache au cœur de Paris, Benoist mesure l’influence grandissante des idées réformées et des traductions protestantes, comme la célèbre « Bible de Genève » publiée en 1560. Fervent opposant à ces écrits, il décide de proposer une alternative catholique.
Plutôt que de produire une nouvelle traduction depuis la Vulgate latine, Benoist fait un choix audacieux : utiliser comme base la traduction protestante de Genève. C’est celle de Pierre Olivétan traduite à partir de l’hébreu et du grec mais qui, née en 1535, a connue plusieurs révisions jusqu’à celle de 1560, écrite dans une langue améliorée et plus fluide. Dans la préface de son édition de 1566, Benoist assume ce pragmatisme : il explique que cette méthode, consistant à reprendre un texte, est plus rapide et efficace. Bien sûr, il apporte des corrections pour aligner le texte sur la doctrine catholique, remplaçant par exemple « repentance » par « pénitence » ou « coupe » par « calice », afin de rétablir les termes traditionnels. L’enjeu est parfois important puisque, dans Actes 3.9 par exemple, les catholiques traduisent par exemple « faites pénitence », entendant par là le sacrement de confession qui conduit à l’absolution par le prêtre et à la réparation par des actes imposés. De leur côté, les traductions protestantes disent « repentez-vous » pour indiquer la nécessité du repentir qui conduit au changement, conformément au sens du mot grec utilisé.
Avec le soutien royal, cette Bible en trois volumes est imprimée à Paris par Gabriel Buon. Le roi, admiratif de ce prêtre combatif, approuve ce projet comme un rempart contre les idées réformées. Mais l’enthousiasme royal ne suffit pas à désamorcer les critiques. À la Faculté de théologie de Paris, les opposants dénoncent une version qu’ils jugent trop proche de la traduction protestante. Notons que René Benoist est un des leurs et qu’on peut aussi supposer que sa proximité du pouvoir royal suscite des jalousies. Certaines accusations tendent à prouver que ses ennemis n’ont même pas lu son texte. Mais, les soupçons d’influence calviniste se cristallisent autour de certains choix linguistiques jugés suspects, comme la disparition de termes latins considérés comme essentiels à la théologie catholique.
Benoist, acculé, se défend en affirmant que des typographes influencés par les idées réformées auraient introduit des modifications. Il accepte des corrections dans une nouvelle édition publiée en 1569. Malgré cela, la Sorbonne reste intraitable. On peut ajouter que le fait même de diffuser une Bible en français et en dehors de leur autorité leur est insupportable. En 1575, l’Université de Paris obtient du pape Grégoire XIII la condamnation officielle de cette Bible. Cet échec marque un coup dur pour Benoist, dont l’ambition et le pragmatisme sont désormais perçus comme des compromissions dangereuses.
Pourtant, cette Bible catholique corrigée, née d’une base protestante, finit par s’imposer comme une référence majeure au 17ᵉ siècle. Exclue d’édition en France, c’est aux Pays-Bas qu’elle est réimprimée, en 1578 par le grand imprimeur Christophe Plantin. Celui-ci reprend la Bible de René Benoist avec la révision des théologiens de l’Université de Louvain. Le succès est immédiat et sous cette forme « blanchie » elle est reprise cette fois-ci par de nombreux imprimeurs français. Quelques autres révisions, comme celles du début du 17e siècle en feront la Bible de Louvain qui gardera la place principale dans le monde catholique francophone jusqu’à la publication de la Bible de Sacy à la fin du siècle.
Auteur de podcasts pour l’Alliance biblique française et conseiller pour la bibliothèque historique.
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