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Le renouveau des versions protestantes

La Bible de Genève du 16e siècle a connu de nombreuses révisions, jusqu’à celle d'Ostervald, visant à améliorer la précision et le langage. Au 19e siècle, de nouvelles traductions sont apparues.

En 1822, une première révision de la Bible d’Ostervald a été réalisée à Lausanne, suivie en 1824 par une autre entreprise de la Société Biblique de Paris. En 1836, la Société Biblique de Lausanne a publié une nouvelle révision, et en 1849, Jacques Matter a effectué une révision à Londres, publiée en 1854 par la Société Biblique Américaine. Ces efforts visaient principalement à moderniser le langage, corriger des erreurs typographiques et adapter le texte aux besoins pastoraux et pédagogiques. Ces premières révisions maintenaient une forte fidélité au Textus Receptus, base traditionnelle du Nouveau Testament élaborée au 16e siècle.

En 1864, Auguste de Frossard entreprit une révision plus critique et approfondie. Il s'appuya sur les découvertes manuscrites récentes, telles que le Codex Sinaïticus (découvert en 1844 et 1859), et introduisit des variantes textuelles pour aligner le texte sur les avancées de la critique textuelle. Ces changements, bien qu’érudits, provoquèrent des controverses. Les partisans saluaient son approche académique et voyaient dans ses révisions un moyen d’enrichir la compréhension biblique, tandis que les opposants dénonçaient une remise en cause du texte. Ces derniers restaient attachés aux éditions d’Ostervald de 1744 et des révisions ultérieures comme celles de 1819 ou 1836, qui respectaient strictement le Textus Receptus perçu comme le texte providentiel transmis par Dieu à l’Église.


La même opposition se répéta en 1868, quand la Société Biblique de France entrepris une révision de l’Ancien Testament, aboutissant à une publication en 1881. Les critiques estimaient que cette approche s’éloignait toujours du Textus Receptus et favorisait les influences rationalistes. Pour répondre à leurs attentes, Messieurs Bonnet et Baup réalisèrent une révision en 1875, suivie d’une seconde en 1885 pour les conforter.

 

La Bible de Louis Segond

NT Segond G.IV.53Après l’échec de la révision de 1805 de la dernière édition de la Bible des pasteurs et professeurs de l’Église de Genève, rejetée par les sociétés bibliques, au milieu du 19e siècle, la Compagnie annonce la version Segond comme étant une traduction nouvelle : « cette version nouvelle se rapproche plus du texte biblique et offre une plus grande correction de langage que les versions françaises qui l’ont précédée. » La Compagnie des pasteurs de Genève rappelle que la Bible de 1588 a été la version officielle de la Bible de Genève pendant près de trois cents ans et que les versions Martin et Ostervald ont été des révisions et non des traductions nouvelles.


Le traducteur choisi, Louis Segond (1810-1885) hébraïsant, pasteur et exégète, travaille à une traduction qu’il considère non pas littérale, dans le sens d’une traduction mot à mot, ni non plus libre, mais pourtant littérale dans le sens de sa fidélité au texte hébreu. Il donne en 1874 l’Ancien Testament et le Nouveau en 1880 après six ans de travail. Entre temps, on publie une édition constituée de l’Ancien Testament par Segond avec le Nouveau Testament traduit par Oltramare. Ce dernier a traduit à partir du grec en utilisant des manuscrits récemment mis à jour dont ceux de Tischendorf. Les découvertes récentes sont donc au cœur de ce travail. Le succès est immédiat et plusieurs centaines de milliers de Bible sont éditées en trente ans. C’est après une révision importante, vu l’évolution du vocabulaire et de la syntaxe commune, qu’on publie la Segond 1910 qui sera la Bible du protestantisme francophone pendant une grande partie du 20e siècle.

 

Au 20e siècle : la source et la cible

 

La source

La Bible latine, à la suite de copies et recopies, d’erreur dues à des orthographes plus ou moins correctes, à des corrections destinées à corriger des phrases dont on ne comprend pas le sens ou encore de multiples circonstances, avait subi une altération préjudiciable à la compréhension. Les humanistes chrétiens de la renaissance, plutôt que de traduire à partir d’un texte peu sûr ont eu recours aux textes les plus anciens. Ainsi, en comparant les manuscrits hébreux et grecs, les traductions anciennes, en étudiant les langues bibliques, ils ont cherché à retrouver la forme la plus proche des auteurs inspirés.

 

Ce travail sur les langues sources n’a jamais cessé, avec des variations suivant les époques. Il a été stimulé et renouvelé depuis le milieu du 19e siècle par la découverte de nombreux manuscrits anciens et le rapprochement qui a pu être fait entre les textes. Des éditions, présentant les variantes des principales versions et manuscrits, permettent une réflexion et une recherche approfondie. Certaines traductions modernes sont particulièrement attachées à rendre dans un français acceptable les particularités des langues sources. Le travail est délicat et la fidélité extrême peut poser le problème de la compréhension.

NT Segond G.IV.53NT Segond G.IV.53

 

La cible

En effet, si le lecteur comprend mal, ou même faussement à cause d’une traduction qui rend un français très éloigné de celui qu’il connaît, le message se perd. On doit donc se soucier de la langue cible, c'est-à-dire de celle des lecteurs pour qui l’on traduit. Devra-t-on prévoir des Bibles pour les chercheurs et les érudits et d’autres Bibles pour les lecteurs courants et encore d’autres pour ceux qui manient difficilement le français ? C’est en partie ce qui se passe. De plus, notre langue évolue et certains termes disparaissent de l’usage habituel. Des constructions de phrases « accrochent » la compréhension des nouveaux lecteurs, les termes devenus rares ne sont plus du tout compris. C’est à toutes ces questions qu’essayent de répondre l’ensemble des traducteurs et des éditeurs bibliques.

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Article écrit par Alain Combes

Auteur de podcasts pour l’Alliance biblique française et conseiller pour la bibliothèque historique.