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La constitution de la bibliothèque historique

Dans les sous-sols du 6Lhomond, les locaux de l’Alliance biblique française, se cache une magnifique salle intemporelle. Celle-ci rassemble environ 2500 Bibles, Psautiers, Nouveaux Testaments… Mais comment s’est constituée cette riche collection ?

La création de la Société biblique protestante de Paris, l’un des ancêtres de l’Alliance biblique française, date de 1818. Dès ses débuts, son Comité désire « former une bibliothèque biblique composée d'un exemplaire de chacune des éditions des versions françaises et allemandes des Écritures-Saintes qui, depuis la réformation, ont été publiées pour l'usage des églises protestantes », comme il est fait mention dans son bulletin n°14 de juin 1823.

 

 

Un système de troc

Bulletin numéro 14La méthode utilisée à l’époque pour se faire céder les ouvrages est originale puisque la Société biblique protestante de Paris propose de donner en échange « des éditions modernes et d’un service plus usuel ». Il n’en faut pas davantage. La dynamique est lancée ! Parmi les premiers exemplaires récupérés, peuvent être mentionnés : une Bible Ostervald, édition de Neuchâtel, de 1744 ; une Bible, édition de Genève, en cinq volumes de 1570 ; ou encore une Bible franco-latine de 1568, religieusement conservée depuis plusieurs siècles par une famille d’Eure-et-Loir.

 

Un texte publié en 1824 relate le récit de l’un de ces échanges. Un pauvre artisan d’origine allemande vivait à Montbéliard où il était marié à une Française. Il possédait une ancienne et très petite édition de la Bible dans sa langue maternelle. Étant âgé et n’arrivant plus à la lire, il demanda à la troquer contre une version française de l’époque. Lorsqu’il reçut la Bible de Toulouse offerte par le Comité, il fut ému et transporté de joie.

 

« Dieu soit béni ! Je pourrai lire la parole de Dieu à ma femme », s’écria-t-il avec enthousiasme. Son épouse n’était pas en reste. Elle s’exclama : « Je n'aurais plus lieu d'envier le bonheur de mon mari. Jusqu'à présent, je restais délaissée sur mon lit de douleur, pendant qu'il goûtait le doux plaisir de lire l'Écriture sainte dans sa langue. Mais dès aujourd'hui, je vais le partager avec lui. » Quel beau témoignage !

 

 

Une expansion rapide

Les efforts continuèrent et la collection s’agrandit au fur et à mesure grâce à la générosité du public et des Sociétés bibliques étrangères. En 1862, la bibliothèque comprend environ 500 volumes. À peine six ans plus tard, à l’occasion du Jubilé de la Société biblique protestante de Paris en 1868, elle a doublé pour en compter près de 1100. Un rapport de l’époque souligne que cet accroissement soudain est « le résultat de nouvelles demandes adressées aux Sociétés de Londres, des Pays-Bas, de Russie et, en partie, d'achats faits avec soin et à des prix toujours modérés ».

 

La collection s’agrandit grâce à la générosité du public et des Sociétés bibliques étrangères.

Ainsi, c’est à cette période que sont acquis certains des ouvrages qui se trouvent être aujourd’hui parmi les plus intéressants de la collection. Signalons : la Bible de Jacques Lefèvre d'Étaples de 1530, le Nouveau Testament de Denis Amelote, le Nouveau Testament grec d’Érasme de 1516 ou encore le Psautier hébreu-grec-arabe-chaldéen de Justiniani de 1516, qui est le second ouvrage polyglotte sorti de la presse.

 

Voici la façon dont s’exprimaient les acteurs de l’époque : « Nous aspirons, Messieurs, à rendre aussi complète que possible cette collection […], mais nous ne pourrions que bien peu de chose si vous nous refusiez votre concours. Les vieilles éditions qui achèvent de s'user dans nos campagnes, […] nous ne pouvons les obtenir que par le zèle des pasteurs et des amis de notre œuvre. Elles ne seront à leur véritable place que sur les rayons de notre bibliothèque où elles formeraient un tout, qu'on ne rencontre pas même à la Bibliothèque impériale. Aidez-nous, Messieurs, dans cette belle tâche, qui consiste à rassembler les matériaux d'une histoire complète de la Bible française. »

 

Exposition universelle

 

 

Une mise à disposition du public

Des évènements exceptionnels, comme les Expositions universelles de Paris en 1867 et 1878, sont également l’occasion de relancer une dynamique qui peut éventuellement s’essouffler. Les « Sociétés bibliques » y ont un pavillon où elles distribuent des traités et surtout des Évangiles dans toutes les langues aux nombreux visiteurs de passages. Mais elles ont également un endroit où elles présentent des bibles anciennes et des bibles hébraïques. Elles animent « un petit pavillon consacré à la librairie où l’on vend à très bon marché, il faut l’avouer, de fort belles Bibles de tous les formats et en toutes langues », comme le signale une publication de l’époque. Elles reçoivent, à chaque occasion, la médaille de Bronze de l’exposition (section des sociétés savantes).

 

La volonté de rendre accessible au grand public cette part de notre histoire a toujours été présente et a pu prendre des formes différentes. À partir de 1973, des expositions bibliques itinérantes sont régulièrement organisées par l’Alliance biblique française sous l’égide du Pasteur Jean Boyer, qui en devient le Secrétaire général à partir de 1975. En France métropolitaine, en Outre-mer, en Belgique ou encore en Suisse, ces déplacements sont à la fois l’occasion de faire découvrir cette formidable collection mais aussi de l’enrichir de nouveaux dons.

 

Les expositions bibliques itinérantes sont l’occasion de faire découvrir cette formidable collection mais aussi de l’enrichir de nouveaux dons.

Pendant fort longtemps, un manuscrit exceptionnel – un évangéliaire magnifiquement illustré du XIIe siècle – fut le plus bel et le plus précieux ouvrage de cet ensemble et fut régulièrement présenté au public dans le cadre des expositions itinérantes. Malheureusement, il fut vendu en 2006. La bibliothèque n’en reste pas moins époustouflante, à plus forte raison depuis que les ouvrages sont magnifiquement mis en valeur dans le sous-sol du 6Lhomond.

 

Aujourd’hui, la bibliothèque historique de l’Alliance biblique française, c’est près de 2500 exemplaires, dont le plus ancien est un incunable de 1478, et c’est plus d’une centaine de langues différentes représentées. Le lieu est un véritable témoin de l’histoire de la transmission de la Bible. Il rend compte de l’importance jouée par l’invention de l’imprimerie, du tournant de la traduction de la Bible en langue vulgaire, de l’évolution de la langue française ou encore de l’apport déterminant des Sociétés bibliques dans cet élan.

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Article écrit par Dominique Donzelot

Membre de l’Alliance biblique française et ancien administrateur délégué