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David Martin, une trajectoire de foi et de résistance

  • Comment un pasteur d’Occitanie, exilé aux Pays-Bas va poser une pierre importante sur l’édifice de l’histoire de la Bible en français. Une étape qui sera suivie d’autres initiatives pour moderniser la langue de la Bible.

À l’aube du 17e siècle, la France croit enfin en la paix. L’Édit de Nantes, signé en 1598, semble résoudre les conflits meurtriers qui avaient opposé protestants et catholiques pendant près de quarante ans. Mais cette trêve, fragile, repose sur un équilibre précaire, une forme de cohabitation surveillée. Alors commence une longue et sourde répression, une guerre feutrée où chaque ville, chaque bastion devient le théâtre de nouvelles tensions, jusqu’à l’irréparable : la révocation de l’Édit en 1685 par Louis XIV.

 

 

Du Sud-Ouest de la France aux Pays-Bas


David Martin naît en 1639 à Revel, en Languedoc, dans une famille protestante attachée à sa foi. Formé à Puylaurens, un centre protestant renommé, il reçoit une éducation classique et théologique de qualité, ce qui forge en lui un profond amour des Écritures. Plus tard, il épouse une jeune femme originaire de Castres, ancrant davantage ses attaches dans cette région protestante.

Bible D.Martin A.II.28C’est à Espérausse, petit village du Tarn, qu’il commence son ministère comme pasteur. Là, il est confronté à la réalité de la vie des Huguenots : entre une foi vive et la menace constante des autorités catholiques. Car dès les années 1680, les protestants français ont subi une répression systématique : temples détruits, mariages mixtes interdits, et dragons envoyés terroriser les familles pour forcer les conversions. En 1685, lorsque l’Édit de Nantes est révoqué, la situation bascule : les écoles protestantes ferment, les temples sont détruits, et les pasteurs sont forcés à l’exil ou à l’abjuration. Martin, fidèle à ses convictions, refuse de renier sa foi. Traqué dans les montagnes du Tarn, il organise son départ clandestin avec sa famille. Poussé par ses paroissiens et des amis catholiques, il part, traversant la France en secret, évitant les patrouilles et les relais sous surveillance, il atteint finalement les Pays-Bas en novembre de la même année.

Installé à Utrecht, Martin devient pasteur de l’Église Wallonne en 1686, mettant immédiatement à profit son érudition et sa passion pour la transmission des Écritures. En 1696, il publie son Nouveau Testament de Notre Seigneur Jésus-Christ expliqué par des notes courtes et claires. Cette œuvre, accessible et didactique, reflète son désir de rendre les Écritures compréhensibles pour la communauté huguenote. En 1700, il réalise un autre projet monumental : l’édition de l’Histoire du Vieux et du Nouveau Testament, richement illustrée par plus de 400 gravures.

 

La traduction de la Bible


Le sommet de son travail est atteint en 1707, avec la révision complète de la Bible de Genève. Le langage est modernisé et au texte s’ajoutent des commentaires théologiques et critiques. Cette édition deviendra une référence pour les Huguenots. Soutenue par les Églises Wallonnes et approuvée par le synode de Leuwarden, cette Bible incarne un renouveau spirituel et intellectuel dans une période d’épreuves.


David Martin tente de rendre le vocabulaire plus proche de ses contemporains en quelques endroits mais surtout améliore la syntaxe de la Bible de Genève. Des formulations évoluent : « même quand je cheminerais » devient « même quand je marcherais » (Psaumes 23.4). Des versets sont plus clairs et la ponctuation se précise : « Cheminons honnestement comme de tout : non point en gourmandise, ni en yvrongneries : non point en couches, ni en insolences : non point en noise, ni en envie » est changé par : « Conduisons-nous honnêtement [et] comme en plein jour : non point en gourmandises, ni en yvrogneries: non point en couches, ni en insolences: non point en querelles, ni en envie » (Romains 13.13).


La Bible de David Martin de 1707 a provoqué des avis partagés, révélant à la fois ses forces et ses faiblesses. Certains lui reprochent une certaine liberté dans la traduction, qui pourrait nuire à la fidélité aux textes hébreux et grecs. D’autres, au contraire, saluent ses efforts pour moderniser le langage et rendre la Bible plus compréhensible pour un plus grand nombre de lecteurs. Son style, parfois perçu comme archaïque ou dépassé, reste toutefois apprécié pour sa qualité littéraire. Les annotations, bien qu’un peu brèves selon certains, sont souvent jugées claires et utiles, en particulier pour ceux qui ne maîtrisent pas bien les concepts théologiques. Martin laisse parfois transparaître ses convictions personnelles dans ses choix de mots et d’interprétation, ce qui amène des doutes sur l’impartialité de sa traduction. Cependant, beaucoup y voient une preuve de son engagement sincère et passionné.


Bible D.Martin A.II.28En 1744, une nouvelle édition de la Bible Martin est publiée, avec un langage simplifié pour la rendre encore plus accessible. Les annotations sont allégées. On y trouve toujours en marge des notes qui se réfèrent parfois au texte hébreu, par exemple pour « l’Esprit de Dieu se mouvoit sur le dessus des eaux » (Génèse 1.2), il écrit : « le mot de l’original donne l’idée du mouvement que les oiseaux font de leurs ailes autour ou au dessus de leurs petits pour les exciter à voler » et ajoute un parallèle avec Deutéronome 32.11 sur l’aigle et ses petits. De façon générale, la présentation est pensée pour faciliter la lecture. Cette version vise à ouvrir l’accès aux Écritures à un public plus large et moins érudit. La simplification du langage et la réduction des détails dans les notes explicatives rendent la version de 1744 plus claire et plus facile à lire. Plus tard, le suisse Ostervald complètera ce travail. David Martin s’éteint en 1721, laissant une œuvre importante qui continue de résonner parmi les protestants francophones, rappelant la persévérance et la foi face à l’adversité.

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Article écrit par Alain Combes

Auteur de podcasts pour l’Alliance biblique française et conseiller pour la bibliothèque historique.