Des athlètes chrétiens médaillés aux Jeux de Paris 2024
Quelques jours après la fermeture des Jeux 2024 et l'euphorie de cet événement, nous tenons à souligner que plusieurs des athlètes ayant témoigné dans "Plu...
L’année 2024 est marquée au cinéma par la sortie du film « Un p’tit truc en plus » porté par des acteurs en situation de handicap. En écho à ce succès, il nous a semblé intéressant de demander à une responsable de catéchèse en institut médico-éducatif de nous parler de son vécu autour de la Bible.
Article écrit le 10/09/2024
Lire la Bible avec des personnes ayant une déficience intellectuelle est toujours une aventure. Je sais d’où on part, mais je ne sais jamais d’avance où on va arriver. La parole de Dieu fait son chemin en ces personnes et elles me la renvoient lue à travers leurs expériences de vie. Ce vécu éclaire le texte d’une façon particulière et colore singulièrement sa signification. Souvent, ces personnes perçoivent des dimensions dans le texte que je n’avais pas remarquées auparavant.
J’émets tout de suite une nuance : je n’insinue pas qu’à chaque fois que nous lisons la Bible ensemble des nouveaux aspects se font jour. Toutefois, il m’a été donné à maintes reprises, dans mon travail de catéchiste auprès de personnes avec une déficience intellectuelle, d’avoir été surprise par leur fine compréhension et par leur capacité à sentir dans le texte biblique des dimensions insoupçonnées
jusque-là. C’est de ces moments d’une intensité extraordinaire que je veux rendre compte ici. Sans l’apport des personnes handicapées, ma lecture de la Bible resterait partielle. Leur voix compte !
Pour illustrer comment la compréhension de ces personnes enrichit ma lecture de la Bible, permettez-moi de vous conter quelques petits récits de vie.
Ce jour-là, ma collègue Anne et moi faisons la catéchèse à l’institut médico-éducatif. Nous nous mettons à l’écoute du prophète Ésaïe (d’après Ésaïe 43.1-8) :
« Le Seigneur te déclare : N'aie pas peur, je t'ai libéré, je t'ai appelé personnellement, tu m'appartiens. Quand tu traverseras l'eau, je serai avec toi ; quand tu franchiras les fleuves, tu ne t'y noieras pas. Quand tu passeras à travers le feu, tu ne t'y brûleras pas, les flammes ne t'atteindront pas. Je suis ton Dieu. Tu es précieux à mes yeux, tu as de la valeur pour moi et je t'aime. N'aie pas peur, car je suis avec toi. »
Anaïs, une jeune femme avec une déficience intellectuelle moyenne, est tout émue. « Ça, c’est la plus belle histoire d’amour que j’ai jamais entendue », nous dit-elle, et nous sommes frappées par sa capacité de se laisser toucher par ce texte millénaire.
La délicatesse de la remarque d’Anaïs a de quoi désarçonner la lectrice expérimentée de la Bible que
je suis. La Bible, c’est l’histoire de Dieu avec les humains et c’est un récit puissant qui va en sens inverse
de bien des courants de pensée en vogue aujourd’hui. Que les Écritures soient comprises comme « la plus
belle histoire d’amour qu’on n’a jamais entendue », cela ne m’avait pas frappée avant qu’Anaïs me le fasse remarquer. Sa parole a profondément changé mon rapport au texte biblique. Depuis, lorsqu’il m’est donné de commenter un récit de la Bible, je me dois de demander quelle facette de l’histoire d’amour le récit veut révéler.
Ce jour-là, Béatrice, une jeune retraitée, m’apostrophe à la fin de la célébration dominicale. « Je voudrais aussi lire à la messe », me dit-elle. Sans réfléchir, je dis « OK » et puis je réalise que… Béatrice ne sait pas lire. Qu’à cela ne tienne, une amie me raconte que Béatrice a une excellente mémoire. Elle apprendra la lecture par cœur.
Pendant deux semaines, je vois Béatrice tous les jours et nous apprenons lentement, la lecture du livre du Deutéronome. Quand le dimanche de sa lecture arrive, Béatrice est rayonnante. Après le Gloria, nous avançons ensemble vers l’autel. Elle s’agrippe au pupitre et regarde avec assurance l’assemblée. J’ouvre le lectionnaire, mais Béatrice connaît le texte. De sa voix lente et saccadée elle déclame : « Moïse dit à son peuple : le Seigneur va vous envoyer un prophète comme moi. » Je regarde Béatrice, stupéfaite. La valeur prophétique de cette parole m’avait échappée jusque-là.
Oui, ce jour-là, Béatrice a été pour toute l’assemblée le porte-parole, le prophète du Seigneur. Quelque chose du mystère insondable de Dieu a été manifesté à travers elle. Il est inouï que Dieu choisisse de se révéler aussi à
nous dans nos vulnérabilités et nos déficiences. Ce que Dieu nous enseigne là constitue une des clés de compréhension de son mystère : chacun est un possible prophète du Très Haut. Chaque humain, indépendamment de ses capacités, est nécessaire au Corps du Christ : l’Église.
Mais comprenons-nous bien, je ne dis pas que Béatrice est prophète parce qu’elle a une déficience intellectuelle. Il y a en effet une tendance fallacieuse (selon moi) qui considère chaque personne en situation de handicap comme un prophète du Très Haut.
Il est évident pour moi que Dieu choisit parmi ses prophètes des personnes handicapées. De là à clamer qu’il suffit d’être handicapé pour être prophète, il y a un abîme que je ne veux pas franchir. Ce discours religieux « consolateur » sur le handicap ne fait droit ni à la dignité, ni à la vérité, car il fait fi de la liberté de la personne concernée de refuser ce rôle de prophète… Je suis donc très prudente quand je qualifie Béatrice de prophète, mais je suis convaincue que lors de sa lecture, elle a été appelée à manifester quelque chose de la sagesse de Dieu, folie du monde (1 Corinthiens 3.19).
En paroisses nous préparons la confirmation d’une petite équipe de jeunes « fragiles ». Certains ont une déficience intellectuelle, d’autres sont sur le spectre autistique ou ont des troubles dys importants. Nous lisons le récit de la Nativité en Luc et nous nous attardons sur l’annonce faite aux bergers, qui étaient des personnes méprisées dans la Palestine du premier siècle de notre ère. Je demande au groupe : « Pourquoi Dieu s’adresse en premier
lieu à ces personnes en marge de la société ? » «Je pense que Dieu se manifeste à eux, parce qu’ils avaient besoin de l’entendre », répond Léo.
Deux intuitions très fortes dans la phrase de Léo m’ont profondément marquée. Premièrement, la primauté de l’action divine : Dieu se manifeste par irruption dans la vie des hommes. Deuxièmement, Dieu ne laisse pas seuls ceux qui sont dans le besoin. Je ne peux alors m’empêcher de penser à la parole de Jésus en Matthieu 11.25 : « Je te loue, Père, […] de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux
simples d’esprit. »
@Par TALITHA COOREMAN-GUITTIN, professeure de Théologie pratique à l’Université de Fribourg en Suisse
16/11/2023
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