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Pourquoi Noël tombe-t-il un 25 décembre ?

La fête de Noël commémore la naissance de Jésus-Christ. Mais est-il bien né un 25 décembre et en l’an 0 ? Et si ce n’est pas ce cas, y a-t-il encore un sens à nous réunir à cette date pour entonner des cantiques et lire les récits de la nativité ?

L’an zéro n’existe pas !

 

Quand il s’est agi de fixer l’année de naissance de Jésus en fonction du calendrier romain qui était lui-même basé sur la fondation de Rome (en 753 av. J.C.), le chiffre zéro n’était pas encore connu en Occident, ni même son concept (20 s’écrit en romain XX, 50 = L, 100 = C, 500 = D, 1 000 = M). Le début de l’ère chrétienne (l’anno domini : AD) calculé vers 525 par le religieux Denys le Petit, avait d’entrée de jeu 1 an révolu à sa naissance. Cette absence de l’an zéro explique pourquoi le XXIe siècle commence en 2001 et non pas en 2000 puisque l’ère chrétienne a débuté sur l’an 1. À cela s’ajoute le fait que la détermination de l’année de naissance de Jésus était faussée dès le début. Les Évangiles racontent que Jésus est né du temps d’Hérode le Grand, roi de Judée. Nous savons par ailleurs que celui-ci est mort en 4 av J.C. ! Il faut donc en conclure que Jésus serait né a minima en 6 avant lui-même !

Quant au jour et mois de naissance de Jésus, la seule certitude que nous pouvons avoir c’est que, toujours d’après les récits évangéliques, il n’est certainement pas né en hiver ! Impossible de trouver des bergers qui feraient paître leurs troupeaux en extérieur en pleine saison froide. S’il fallait absolument trouver un mois de naissance, ce serait plutôt du côté d’avril qu’il faudrait s’orienter.

Il n’y a donc strictement aucun fondement historique à la date du 25 décembre pour la naissance de Jésus. C’est tout simplement une intention stratégique qui se cache derrière le choix de cette date. En l’annexant à sa foi, le christianisme faisait coup double. Il lançait une OPA sur une bonne vieille fête païenne du solstice d’hiver, à savoir les Saturnales romaines. Et par la même occasion, l'Église contrecarrait la nouvelle religion naissante du Sol Invictus, dont le 25 décembre était le jour de naissance du Soleil invaincu. Quoi de plus symbolique que de célébrer la naissance du Christ au moment où la lumière remporte progressivement la victoire sur les ténèbres, avec le rallongement des jours ?

 

Quand Noël part en quenouille

Si Jésus n’est pas né un 25 décembre, que nous reste-t-il de Noël ? Faut-il remiser le bœuf et l’âne, envoyer paître les bergers, textoter les mages en espérant qu’ils pourront se faire rembourser leurs cadeaux ? Doit-on laisser filer l’étoile, casser l’étable de la foi et déserter la crèche au risque d’en faire un squat pour de drôles de gros bonshommes barbus vêtus de rouge qui militent pour un retour à l’antique fête des lumières ? L’enfant Jésus doit-il laisser la place à l’enfant-roi gâté par des parents-mages qui couvrent leur petit trésor de cadeaux au nom d’une croyance commerciale à un Père Noël sponsorisé par une fameuse boisson gazeuse ?

 

Il est bien né le divin enfant

Ce qui est sûr, c’est que Jésus est né un jour du calendrier, même si nous ne savons pas précisément lequel. Il n’est pas tombé du ciel à l’état adulte, à la différence de l’histoire d’Adam et Eve qui sont créés directement matures en plein milieu paradisiaque. Jésus a suivi l’itinéraire d’un enfant pas forcément gâté par la vie. Dans l’Antiquité – et jusqu’au Moyen-Âge – on ne se souciait pas du jour de naissance d’une personne, les gens eux-mêmes ne savaient pas exactement quand ils étaient nés. L’histoire retenait plus facilement en mémoire le jour de la mort de ceux qui avaient marqué leur temps de leur vivant. À ce titre, notre fameux « calendrier des Saints » a été établi en fonction de la mort martyre desdits Saints et non pas à partir de leur naissance inconnue. Il faut pourtant bien reconnaître qu’une ambiguïté pouvait naître du fait que leur martyre était considéré comme dies natalis (à savoir : jour de naissance). Pendant très longtemps, ce calendrier des Saints était la seule façon de se repérer dans le temps pour le commun des mortels qui n’avait souvent aucune idée de l’année, du mois ou du jour en cours. Jusqu’au Moyen-Âge, les gens avaient comme point de repère tel ou tel Saint, d’où les nombreux dictons encore connus aujourd’hui, comme : « À la sainte Catherine, tout arbre prend racine ».

 

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La nativité vs Noël

D’un point de vue plus théologique, il faut cependant affirmer que c’est la venue au monde de Jésus qui fait Noël et non pas l’inverse. Comme le rappelle l’étymologie du mot Noël, il est d’abord question de Nativité (en italien : Natale, en espagnol : Navidad) ! Ce n’est pas une date anniversaire, mais c’est une profession de foi. La naissance du Christ nous dit que Dieu s’inscrit pleinement dans l’histoire réelle et quotidienne des humains. Il vient dans un monde rempli de cris de souffrance, ceux d’une femme qui accouche, Marie. Il naît dans notre histoire, recevant sa première cicatrice, souvenir du cordon ombilical coupé. Noël nous montre un petit être fragile et dépendant qui repose dans les bras d’un simple homme, Joseph. Marie et Joseph, deux illustres inconnus perdus au milieu de nulle part, c’est ça Noël !

Ce qui fait le cœur même de l’Évangile, c’est cette incarnation ; idée propre au seul Christianisme. L’humain ne cherche pas à atteindre le divin, c’est le divin qui vient embrasser totalement la condition de l’humanité. Dieu se fait mortel, puisqu’il est né un jour du calendrier.

 

Point de départ

Fêter Noël, c’est répondre à l’invitation qui nous est envoyée et qui nous met en route, à la suite des bergers et des mages. C’est prendre date pour se donner rendez-vous, tel jour en tel lieu, à la croisée de l’éternité et de notre propre histoire. Dieu s’est fait homme pour que les humains puissent naître de nouveau, quel que soit le jour de l’année.

 

@ Philippe de Pol, pasteur catéchète à la Fondation John Bost 
Article paru dans le biblioscope de décembre 2021

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Article écrit par Philippe de Pol